
5/11/2025 : TRIBUNE
Notre politique énergétique, qui cherche à accroître la part de l’éolien et du photovoltaïque, a fait exploser le prix de l’électricité, a affaibli EDF, et a contribué au sentiment d’abandon des zones rurales, analyse Xavier Moreno, président du Cercle d’étude réalités écologiques et mix énergétique (think-tank).
Depuis vingt ans, l’éolien et le solaire se sont imposés dans l’imaginaire collectif comme les emblèmes de la transition énergétique et du progressisme. Être « de gauche » ou « écologiste » signifierait nécessairement les soutenir. Mais ce n’est pas tenir compte de la particularité de notre mix électrique. En France ces énergies sont non seulement peu utiles, mais elles accentuent les fractures sociales et territoriales, elles privatisent la production électrique et les profits et nationalisent les pertes. Elles privent de ressources les investissements prioritaires à réaliser pour sortir des énergies fossiles. Et si le véritable progrès social et climatique consistait désormais à changer de paradigme sur l’éolien et le solaire ?
Dans les pays encore dépendants du charbon ou du gaz, le solaire et l’éolien peuvent contribuer à réduire les émissions de CO₂. Mais la France, grâce à ses choix historiques en faveur de l’hydroélectricité puis du nucléaire, produit quasiment sans carbone bien plus d’électricité que ses besoins : 537 TWh de production en 2024 pour 448 TWh de demande domestique. L’excédent de près de 90 TWh, équivaut à la production de 14 réacteurs nucléaires, et est exporté à des prix très faibles, voire négatifs, car le vent souffle et le soleil brille aux mêmes heures ou les mêmes jours chez nous que chez nos voisins européens. Résultat : multiplier les éoliennes et les panneaux solaires, qui ont déjà une puissance installée équivalente à celle de 45 réacteurs nucléaires, n’apporte aujourd’hui aucun bénéfice pour le climat, ne donne aucune sécurité d’approvisionnement aux Français, à cause de l’intermittence de la production, et pèse lourdement sur le prix de notre électricité.
Depuis 2009, le prix de l’électricité a doublé, en grande partie du fait que le consommateur doit payer les centaines de milliards de surcoûts générés par le développement des productions solaires et éoliennes. Or, ce sont les ménages les plus modestes qui en supportent la plus grande charge. Ils subissent de plein fouet la hausse des factures, tandis que ceux qui ont les moyens d’installer des panneaux solaires sur leur pavillon avec une aide financière de l’État, bénéficient d’une électricité quasi gratuite quand le soleil brille, et se branchent sur le réseau collectif quand le soleil se cache. En une phrase, les habitants des HLM subventionnent ceux des pavillons. Une redistribution à rebours.
L’éolien terrestre et le photovoltaïque se développent principalement dans les zones rurales et périurbaines, déjà fragilisées économiquement. Les habitants y souffrent des nuisances visuelles ou sonores et de la baisse de valeur de leurs biens immobiliers, confortant leur sentiment d’abandon. Pendant ce temps les bénéfices échappent au territoire : les turbines d’éolienne et les panneaux photovoltaïques sont tous importés, 70 % des promoteurs appartiennent à des groupes étrangers, et seuls les propriétaires fonciers qui leur louent champs ou terrains inexploités, ainsi que certaines communes, profitent d’une petite part de cette rente privative créée au détriment de la collectivité.
Cette politique énergétique a affaibli une grande entreprise publique, EDF, au profit de producteurs privés, la plupart étrangersXavier Moreno
Cette politique énergétique a affaibli une grande entreprise publique, EDF, au profit de producteurs privés, la plupart étrangers comme on l’a vu. Elle leur garantit de confortables revenus sur 20 ans et ils sont indemnisés si l’équilibre du réseau exige de baisser leur production, alors qu’EDF ne reçoit aucun dédommagement lorsque les réacteurs nucléaires doivent ralentir ou s’arrêter pour leur laisser l’accès prioritaire au réseau. Plus il y a d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques, plus il y a d’épisodes de prix bas ou négatifs, plus le contribuable et le consommateur d’électricité doivent payer pour assurer la rentabilité des producteurs. On comprend l’insistance de leur syndicat professionnel pour une publication rapide du décret PPE 3 qui permettrait le lancement de nouveaux appels d’offres.
Avec une capacité de production couvrant 130 % de ses besoins d’électricité, la France a de quoi faire face pendant 10 à 15 ans à la montée de la demande. L’urgence écologique n’est donc pas d’ajouter des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques. Elle est d’aider les investissements nécessaires pour remplacer les énergies fossiles dans les secteurs des transports, de l’industrie et du tertiaire, responsables de 80 % des émissions de CO2. Dans le secteur électrique il faut donner à EDF les moyens d’investir pour le long terme dans la production pilotable, l’hydraulique, le nouveau nucléaire, le stockage par pompage, et les centrales fonctionnant au biogaz.
Une politique véritablement progressiste, sociale et écologique consisterait à réorienter les financements publics consacrés à l’éolien et au solaire, vers l’accompagnement des ménages, en particulier les plus modestes, et des entreprises, pour accélérer la décarbonation. Avec aussi une priorité donnée aux énergies thermiques renouvelables comme la géothermie et l’utilisation de la biomasse.
C’est ainsi que nous pourrons allier justice sociale, efficacité climatique et souveraineté énergétique.